Compte-rendu de la journée professionnelle

Le 27 novembre dernier a eu lieu à l’ESPÉ d’Angers une journée professionnelle organisée par l’Adben des Pays de la Loire. Ce temps de réflexion autour des évolutions actuelles de la profession, très attendu, a tenu ses promesses : nous avons eu la chance de profiter d’interventions de grande qualité qui vont nourrir notre pratique et nos positionnements face à l’EMI.

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1. Conférence d’Olivier Le Deuff : « La documentation dans le digital : montrer la voie au-delà des modes »

Dans la matinée, plus de 90 collègues adhérents et non adhérents étaient au rendez-vous pour écouter Olivier Le Deuff qui pendant deux heures a réhabilité la notion de « document » en s’appuyant sur Paul Otlet le visionnaire et son « hyperdocumentation », apportant régulièrement des éclairages sur le rôle du professeur documentaliste, parfois trop peu distancié par rapport aux techniques. Une conférence dense et passionnante, émaillée de traits d’humour, tel le « glanding-center », la vision steampunk de l’hypertexte ou encore l’EMI vue comme « Expérience de Mort Imminente », dont le diaporama-support est téléchargeable ci-après : La documentation dans le digital.

Olivier Le Deuff a fait preuve d’une importante distance critique face à l’EMI, ce nouveau domaine d’enseignement où l’information est envisagée uniquement comme « info-news », au détriment des trois autres types d’information (info documentaire, info data, info sociale). Il y réintroduit la notion de document, et ses deux concepts : la documentalité et l’hyperdocumentation.

En effet, Olivier Le Deuff invite la profession à adopter le numérique plutôt que de s’y adapter. Les usagers sont devenus producteurs d’informations, de métadonnées. C’est ce qu’il nomme « la documentation de soi » comme première forme documentaire. D’où l’importance grandissante de développer des compétences documentaires chez nos élèves, futurs citoyens. Avec le numérique, les compétences info-doc « anciennes » demeurent mais elles s’accroissent. Le domaine de la documentation s’est étendu et nous devons tendre vers un idéal : l’idéal de l’homme bien documenté.

Ubiquitaire

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2. Table ronde : « EMI et info-doc, quels territoires communs ? Quelle place pour notre enseignement ? »

La table ronde de l’après-midi réunissait Sophie Bezançon, Pascal Duplessis et Camille Brouzes autour de la question de la place de notre enseignement dans l’EMI.

En introduction, Sophie Bezançon a fait un rappel des textes officiels qui nous impliquent dans l’EMI : d’une part le Référentiel des métiers du professorat et de l’éducation (2013) ayant suscité l’espoir d’une nouvelle légitimité pédagogique via la reconnaissance de notre expertise dans la formation à l’EMI, et d’autre part les nouveaux programmes du collège, très décevants puisque cette expertise n’est jamais mentionnée, le rôle du professeur documentaliste dans l’EMI étant borné à veiller « collectivement à ce que les enseignements dispensés en cycle 4 » soient assurés à chaque élève.

Puis, Pascal Duplessis a présenté un historique de l’EMI. Cette « éducation à » est issue du MIL (Media and Information Literacy), et portée par des institutions internationales. Elle a été introduite en France en 2013 via l’EMIconf, et notamment par J.-L. Durpaire, IGEN Documentation, déjà à l’origine de l’introduction du concept de « politique documentaire » et de « 3C » dans les établissements scolaires.

Pour Pascal Duplessis, il arrive avec l’EMI ce qui s’est passé avec la politique documentaire : un emballement des collègues pour une nouveauté jugée incontournable, sans prendre le temps d’une réelle réflexion et d’une distanciation critique. La finalité de l’EMI est assez floue, située entre formation à la citoyenneté et introduction du numérique dans l’école. Son introduction dans les programmes scolaires (au cycle 4), sous la forme d’une « éducation à », est à l’image de notre société néo-libérale et de son école qui est en train de passer d’une logique de stock (savoirs stables, disciplines scolaires) à une logique de flux (savoirs instables, discours du « retard », adaptabilité au monde économique). Nous, professeurs documentalistes, pouvons résister et agir en poursuivant notre enseignement de l’information-documentation, sans le sacrifier au profit de l’EMI, qui n’en est qu’une petite partie, assez pauvre et mal construite, comme elle n’est qu’une partie de tout enseignement disciplinaire.

Enfin, Camille Brouzes, professeur documentaliste et membre du bureau de la Fadben, a proposé sa réflexion sur l’EMI et sur la manière de nous en emparer, telle une coquille vide à remplir de ce que nous jugeons essentiel d’enseigner aux élèves. Après avoir pointé les incohérences du référentiel de compétences EMI dans les nouveaux programmes du collège, il nous a exposé ses choix pour mettre en oeuvre l’EMI, tout en présentant certaines séances pédagogiques qu’il expérimente dans son collège. Pour lui, il s’agit avant tout de former les élèves à l’esprit critique et de former des citoyens qui sauront défendre les valeurs de la république.

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3. Assemblée générale de l’Adben

La journée s’est achevée avec l’AG de l’Adben Pays de la Loire. Les bilans d’activités, moral et financier, ont été présentés par Claudie Schlosser et Aurélia Guyon.

Les adhérents présents ont soulevé la nécessité de demander une participation symbolique aux non-adhérents pour les prochaines journées professionnelles. La somme de 5 euros a donc été retenue pour le principe (sauf pour les stagiaires).

A l’issue des votes, le bureau s’est étoffé de deux nouveaux membres : Agnès le Dem et Anaïs Hanse. La nouvelle composition du bureau de l’Adben et les personnes relais par département sont à consulter dans notre rubrique Qui sommes-nous ?